On a marché sur la rue surchargée de métal, de fumée d’échappement, de coup de klaxon. On a flotté. On a rêvé un peu aussi. Puis on s’est assis sur l’herbe fraîche. C’était presque septembre. C’était presque la fin du monde, mais on ne le savait pas. On a mangé notre goûter, quelques sandwiches, un jus, des crudités. Rien de romantique. Il y a seulement que le soleil qui est romantique dans ses moments-là. Il se pointe avec sa tignasse de rayons qui flottent au gré du temps, fouettant quelques nuages.
Le temps, justement, s’est envolé si rapidement que le vertige du retour nous a scié les jambes. Comme on aurait voulu s’enfuir, à se vouloir à mourir. Mais ça aussi on ne le savait pas vraiment encore. C’était ça, le vertige de vivre.
Puis, elle a parlé. Elle m’a dit qu’elle pourrait être ma maîtresse, si je le voulais. Je n’étais plus avec ma femme mais il y avait quelqu’un d’autre, un petit nous-deux qui allait au gré des vagues incertaines du destin. Quant à elle, marié sur le bout des lèvres tremblantes, elle peinait à y trouver le moindre centimètre cube d’air respirable dans son quotidien embrouillé. Alors, sauter la clôture, pour elle, lui aurait été si facile.
je suis resté coi devant une telle franchise. Cette statue de marbre rose qui m’aimait sans que je n’eusse pris le temps de lui déclarer le moindre frisson à part un court poème écrit entre deux battements de cœurs… c’était certainement un rêve.
Une abeille passa.
Je me levai, secouai les herbes qui collaient à mon pantalon et refusai cette offre si près de mes fantasmes. Trop près.
Elle me regarda le regard humide. “Je comprends. Je respecte cela. Je ne t’en aimerai pas moins.”
Je retournai seul au bureau, marchant au ralenti, ignorant les crissements de freins, les décolletés outrageux et les mots qui tournaient pourtant encore dans ma tête.
Je n’ai rien fait d’autre que de m’asseoir et attendre. Attendre cinq ans pour écrire ses mots. Et je me demande: Que serait-il passé si j’avais répondu à cet amour qui me cherchait? Une drôle de réponse me vient à l’esprit. Je n’ose l’écrire.
Je serais encore seul en ce jour d’octobre.