Normand m’a demandé de baisser le son de la tivi.
“Aglaé, farme donc ta criff de tivi pour une ménute!”
J’ai obéi, comme une bonne petite femme soumise en me disant qu’à un moment donné dans ma vie de femme soumise j’allais vais lui enfoncer une hache entre les deux yeux tout en chantant ma liberté.
“T’entends-tu ça?” me cria-t-il en se bouchant les oreilles.
J’ai trouvé ça bizarre qu’il se bouche les oreilles en me demandant si j’entendais quelque chose.
Et il s’est mis à crier comme un dément, à marcher à gauche, à droite, comme une hyène qui a attrapé la varicelle.
Moi, pour tout vous dire, je n’entendais rien d’autre que ses cris. Je suis habituée, surtout depuis qu’il boit tout ce qui est liquide et alcoolisé sans distinction. Du vin de messe ou de l’alcool à friction, mon affreux de mari se gargarise le gorgoton du matin au soir en critiquant le Pape, les gouvernements, le voisin, ses parents, son ex et les craques dans le mur. Il fallait le voir engeuler une araignée qui avait tissé sa toile dans un coin de la salle de bain. Ou bien encore courir après un juif hassidique pour lui tirer les boudins.
J’avais envie de rire en le voyant passer de la cuisine au salon, avec ses grandes enjambées de bûcheron, hurlant à l’ampoule cent watt qui éclairait la scène.
Puis il s’est arrêté. De bouger et de crier.
“C’est parti! Y’a p’us d’bruit…” Il est devenu tout rouge en disant ça. Il a tapé sur ses deux oreilles et a dit “un, deux, testing, côliff de tabarnisse, j’entends p’us rien”.
J’ai remonté le son de la tivi.
Et puis j’ai dit, pendant qu’il gueulait comme un défonçé: “Quand tu vas te fatiguer de gueuler comme ça, mon ti-Norm, et pis que tu vas t’endormir pour cuver ta gnôle, je vais retourner sur www.vaudou.net et continuer ma petite séance en ajoutant une épingle virtuelle sur ta grande gueule de mongol à batterie.”