Joyeux Noël, mon fils

Bernard était assis dans son lit et lisait une bande dessinée de Batman (une édition rare de 1963). À un moment donné, il entendit une portière de voiture claquer et il regarda dehors. Son père, Hector, rentrait du travail. Ce dernier vit son fils qui l’observait du haut de sa chambre. Il le salua et fit un sourire un peu nerveux. Bernard sentait que quelque chose n’allait pas et il referma son illustré.

Il entendit le pas lourd de son père qui montait les escaliers. Il entendait, en toile de fond, la musique diffusée par la chaîne Rétro que sa mère adorait. Cette dernière venait de mettre la lasagne congelée au four micro-ondes. Que c’était beau le progrès.

Bernard renifla et décroisa ses jambes pour les recroiser aussitôt lorsque son père frappa doucement à la porte.

“Je peux entrer, fiston?”

“Oui, papa, tu peux entrer, je t’en prie.”

La porte s’entrouvrit et il vit le visage figé de son père, les yeux éteints, fatigués, fuyants.

“Écoute, euh, je ne sais pas trop comment te dire ça, Bernard, mais, euh, on a parlé ta mère et moi et on a décidé de te dire… enfin… il faut que tu comprennes que, tu vois, les choses des fois ne sont pas comme on les croit. On a, ta mère et moi, été un peu négligents et on a encouragé des choses que, je l’espère, tu comprendras une fois qu’on te les aura expliquées. Tu me suis?”

“Oui, papa, je te suis. Vas-y droit au but…”

“Et bien, euh, (il prit une grande respiration et soupira d’une courte mais forte bouffée d’air émanant de ses poumons encrassés) Bernard, je… Le Père Noël n’existe pas. Il n’a jamais existé.”

Il y eu un silence lourd qui assombrit tout à coup la pièce. Bernard regarda dehors et chercha des yeux quelques flocons pour se rassurer. Mais on était en août et la seule chose qui pouvait lui donner une référence par rapport à ce que venait de lui dire son père était l’édition des cadeaux de Noël du catalogue de Sears qui venait d’arriver la veille.

Bernard fit un sourire qui rassura son père.

“Je la savais, mon cher papa. Depuis un petit bout temps.”

Le père relaxa. Un grand poids venait de s’envoler, le laissant désormais plus léger.

“À la bonne heure! Je… tu comprends que…”

“Ne vous inquiétez pas, je suis assez grand pour comprendre maintenant!” dit Bernard en levant. Il dépassait son père de quinze centimètres. “Après tout, je viens d’avoir 38 ans, n’est-ce pas?”

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