La femme et ses statues

Je connais une femme (n’essayez pas de deviner qui c’est, c’est une histoire, pas une biographie) qui adore des statues. Elle se tripote la pêche rien qu’à regarder Ganesh ou le chihuahua en zyeutant Shiva. Elle prend des poses comme çi ou d’autres comme ça en se prétendant le centre de l’Univers, en croyant être à l’écoute des gens qui l’entourent et on la trouve donc ‘bin fine’. Avec ses grands yeux de biche abandonnée au triste de sort de la bêtise humaine, elle marche comme une dinde et respire comme une vieil évent replis de cheveux frisés.

Ainsi, la voici qui entre dans une boutique de trucs et machins indiens. La pièce sent le patchouli mouillé. Elle s’émerveille devant une déité dorée qui a un gros point rouge dans le front. Son coeur se met à battre comme une toune de rock & roll. Elle regarde l’étiquette de prix et soupire. Pas dans ses moyens. Elle sort, l’air piteux et maudit le sort qui la poursuit. Elle pense à cet homme qui fut un jour celui de tous ses jours et qui est maintenant un fantôme sans contours, un furoncle dans sa destinée, un ongle incarné dans ses pas vers l’avenir, une artère bloquée dans son carrefour giratoire, un cloporte visqueux dans sa soupe au tofu, un cancer dans son cerveau supérieur. Elle a un haut le cœur. Elle le hait. Comme il est méchant de vouloir lui dire quoi faire. Il n’y a que elle qui sait tout car elle a suivi une thérapie de groupe, vu des psys, fréquente désormais un homme équilibré, a maintenant le droit de mentir, tromper, déformer la vérité pour que son ego soit bien, ne se sente plus écrasé.

Ce matin encore, cette girouette, qui se croit éternelle et qui vole désormais de ses propres ailes, a vu deux ridelettes aux coins de ses yeux. Elle a presque hurlé. Elle s’est mordue les jointures, a tapé du pied. ‘Voilà encore l’oeuvre de ce mécréant d’homme’. Comme de fait, en arrivant au travail, voilà qu’un courriel rempli de stupides demandes vient encore l’opprimer, lui serre la poitrine. Qu’à cela ne tienne, elle ne lui répondra pas. Il n’existe plus, cet être vil, monstre de par tous ses pores, suintant la méchanceté, violent à travers ses mots à double-sens, comme un ‘s’il-vous-plaît’ dit avec un air de ‘va chier’. Ah, ce ‘s’il-vous-plaît’ est si méchant. C’est comme un ‘merci’ qui cingle comme un licenciement ou un ‘d’accord’ qui déchire parce qu’il tombe comme un vieux tronc d’arbre éventré par la fougue intestinale des termites. Il la blesse encore plus. Elle se sent des larmes monter et quelqu’un l’aperçoit dans cet état, déconfite, dans le sirop de ses larmes. ‘Pauvre petite’ chuchote-t-on dans les ‘cubicules’. ‘Son passé ne cesse de lui revenir, la brimant de toute sa joie de vivre!’. Qu’on la plaigne donc encore un peu. Si j’osais imaginer un bon samaritain lui commandant une messe, ce serait parfait.

Mais elle se tient droite, rassurée dans ses gestes. Elle ne lui répondra même pas par ‘oui’ ou par ‘non’ parce qu’il ne vaut pas cela. Il est un déchet, cet homme. Elle n’en voudrait même pas comme carpette devant un foyer. Ce loup-garou mesquin la vampirise. Elle voudrait le gommer de son passé car les souvenirs resurgissent comme un seau de vomissure qui fermente dans son estomac noué. Non, elle ne lui répondra plus jamais car elle a peur qu’il ne se mette à dire des monstruosités comme des excuses ou la blesser encore plus en acceptant ses demandes. Plaçons donc avocats, notaires, agents d’immeubles, représentants d’assurance et de banque entre eux deux pour s’éviter la galère. Il la tuera, elle en est certaine. Pis encore, la laissera vivante avec le passé accroché à ses baskets (de course). Mais avant, elle est convaincue qu’elle le ruinera, moralement et financièrement pour l’avoir tant fait souffrir de ses caresses et de ses mots d’amours. Aujourd’hui, cet homme, vous le devinez, a trouvé dans les bras d’une autre, un amour plein de simplicité, vide de complexité, nageant dans la réalité, au jour le jour, sans avenir planifié ou structuré. Elle n’aime pas non plus cette femme au nom compliqué. Elle doit le pousser au crime de la torturer de mots et de pensées destructrices envers elle, la seule et unique qu’il a aimé. Ce sont toutes des folles, ces femmes qui l’ont aimé. Ce sont toutes des innocentes qui doivent fuir la planète pour l’éviter.

Shiva, Ganesh, Durga et Krishna, vous êtes bien chanceux car vous ne pouvez rien faire pour faire changer d’idée cette autruche sans cervelle. Elle vous vénérera longtemps. Quant à tous ces autres hommes qui gravitent autour d’elle, et même j’ajouterais toutes ses amies, soyez prudents et prudentes car si vous manquez de lui plaire ou de la vénérer telle on vénère une statue, elle vous enlèvera de votre piédestal et vous jettera aux oubliettes.

Ne vous fiez pas aux apparences car l’homme brisé qui pleure ici n’est pas ce monstre dépeint par ma plume acerbe. C’est un être humain, tout simplement. L’homme qui pleure toute la violence silencieuse d’une femme qu’il avait cru jadis être humaine.

Namaste.

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