Archives par mot-clé : guerre

La dernière étreinte

Dans le stationnement souterrain, au cinquième sous-sol, les pleurs, les cris, les plaintes, les rires et les soupirs s’entremêlent depuis trop longtemps. Entassés les uns contre les autres, les résidents de ce coin de Beyrouth ne veulent même plus se rappeler le passé, celui où ils couraient se cacher dans les sous-sols à la moindre alerte, celui des troupes israéliennes qui entraient dans le quartier pour menacer les hommes qui refusaient de parler ou qui riaient des femmes ou des vieillards. Cette époque leur paraissait désormais si lointaine en regard de ce statu quo d’épouvante qui les garde là, figés dans le temps, coupés du reste du monde. Quelques-uns sortent, qui la nuit, qui le jour, pour essayer d’acheter quelque nourriture ou remplir les bidons d’eau. Régulièrement, la génératrice de l’édifice montre des signes d’essoufflement et s’arrête parfois, sous les sifflements des gens de plus en plus frustrés.

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La fin du Père

« Il me vient des images. Des images terribles. Des corps d’enfants sans tête. Des chiens qui mangent de cadavres. Il me vient aussi des sons, des bruits éparpillés dans le calme vide de la nuit. Le sifflement des bombes qui tombent. Celui de l’étrange silence qui précède l’éclat, le tonnerre de la poudre qui s’enflamme. La langueur des pierres qui retombent en poussière. Les supplications des mourants. Je n’en peux plus d’entendre les oiseaux chanter, le vent s’infiltrer dans les feuilles vertes. Tu entends, tu entends, mon fils, la douceur de l’eau qui coule dans ce bassin? C’est une torture après avoir tant vu et tant entendu. »

« Calmez-vous, père. Votre cœur… »

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L’orage et la guerre

Une nuit torride. Le ciel n’est pas tout à fait noir. La luminescence de la lune à travers la brume dense donne au firmament une teinte brunâtre. Ici et là, les ombres des édifices infirmes exécutent une danse macabre. L’odeur des cadavres pourrissants sous les décombres est pire que jamais.

La femme qui se tient coite depuis plus de 2 heures cesse ses prières et ouvre les yeux. La chaleur résiste au faible vent qui balaie la ville fantôme. Les rats grignotent tout autour d’elle. Elle lève les yeux au ciel et voit soudain une lueur qui zèbre les mousses de cumulus. Une autre la suit de près. Bientôt, c’est une symphonie de lumières qui peinturent le dôme astral de jaune et de bleu arcencielaire. Cette fois-ci, ce ne seront pas les bombes qui exécuteront leurs basses œuvres mais la nature. L’orage s’installe.

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Les Hell Bozos

Assis dans leur char d’assaut, ils sont beau, les Hell Bozos. Ils ont un tricorne en peluche et prient Zomart, le Grand Violiste. Ils ont enlevé, il y a quelques semaines, deux soldats de l’armée Ismaélienne, d’énergumènes fanatiques du suif dont ils font d’immenses feux de foi en scandant des psaumes circoncis.

Les Hell Bozos ont des croquettes qu’ils tirent sur la tête des Ismaléens qui, eux, ont des fossiles caramélisés qu’ils lancent sur des civils bobinets qui meurent comme des pâtisseries condamnés par des diabétiques.

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Ruines

Le tumulte des avions s’estompa. La rage restait palpable parmi les survivants. L’épaisseur de la poussière empêchait les hommes de voir où ils marchaient. Ceux-ci trébuchaient sur des blocs de ciment, des poutres tordues, des meubles éventrés.

Farrouj, seize ans, les yeux brûlant de larmes, obéissait aux ordres de ses pairs. Il tremblait de tout son corps depuis que l’armée ennemie avait jeté les dernières bombes. Cet enfer lui donnait envie de vomir. Il n’aimait pas les Israéliens avant cette folie. Maintenant, il les haïssait. Il haïssait aussi les autres pays qui ne faisaient rien pour les aider. Tous, incluant les cousins arabes qui ceinturaient le petit bout de terre qu’on appelait Liban.

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