Archives par mot-clé : Mort

Sauts d’âme

Marcel Kinsey, un pâtissier de Montréal, meurt subitement à Cuba en 1963. Il est âgé de 36 ans et laisse dans le deuil son épouse Fleurette, sa fille aînée Azéla et leur fils Jocelyn. Pour l’adolescent Gérard Vanasse, amoureux d’Azéla et apprenti-comptable chez les Kinsey, c’est tout un monde qui s’écroule. Quarante ans plus tard, alors que Vanasse ne songe plus qu’à la retraite, un homme surgit dans la soirée. Il ressemble étrangement au défunt et il raconte le périple de son âme à partir de ce jour fatidique jusqu’à aujourd’hui. À tour de rôle, Gérard et ce mystérieux personnage relatent des passages de leur passé tout au long de cette nuit de vérité.

Dans ce premier roman de Patrice Landry, le fantastique se conjugue au mystère et l’amour se superpose à l’humour, soulevant une fois de plus ce questionnement fondamental de l’humain : que devenons-nous après la mort? Sauts d’âme, c’est l’exploration d’une nouvelle perspective.

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La vie qui bat, ici bas

Le docteur m’a demandé encore une fois pourquoi j’étais venu le voir, comme s’il ne me croyait pas. Il me regardait avec ses yeux porcins, son visage rose, rond et je ne pouvais m’empêcher de penser à la lune, une grosse lune grasse qu’on voyait dans les premiers essais du cinématographe, une lune qui riait, une lune avec une fusée enfoncée dans l’un de ses yeux. Je ne savais pas si je devais répéter. Pourquoi devais-je répéter? Était-il sourd? Je ne répète jamais, à moins que ce que je dise soit enterré par une musique trop forte dans un bar, ce que je ne fais que très rarement vu que je déteste cette faune bigarrée qui s’alimente de shooters et qui s’observe comme des quartiers de viande dans une boucherie. Qui regarde la cuisse, qui regarde la poitrine, ha, les belles côtes, et cette bavette… J’en ai des frissons tant la bile qui remonte dans ma gorge me rappelle l’abandon, le désespoir d’aimer qui revient me hanter comme une persienne mal fermée un soir d’orage. Elle me frappe et m’insulte, comme la dernière, celle dont je ne me rappelle pas le nom, qui m’a craché au visage tout son venin avant de m’abandonner sur la place publique comme un vieux mouchoir de poche démodé.

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Esquisse d’humain silencieux

La chose, trop vieille pour porter un nom, a été un jour, il y a très longtemps de cela, un homme bien. Par cet attribut, certes peu important au moment où nous le regardons, nous voulons dire qu’il n’a commis aucun crime, aucune indécence, non plus de mal, ne serait-ce qu’à un moustique, préférant de loin son existence banale, sans bruit ni regard de travers, à celle trépidante du monde moderne, cette curieuse ruche où tout doit être en mouvement, moult chahut, vide de tout sens dans une mer sans cesse agitée. Comme si ce monde allait tout à coup cesser d’exister si l’un de ces êtres décidait d’interrompre les entrechoquements de vie pour écouter l’univers qui, du reste, est déjà lui-même fort agité, malgré son apparente langueur.

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Rien à faire

Karl s’est étendu sur la chaussée brûlante en pensant à son passé. Rien à faire. Tout était effacé. Peut-être était-ce la peur. Ou le bruit. Le bruit des voitures qui frôlaient son corps dans une chorale de klaxons discordants. Des crissements de pneus. La toile froissée. Comme il avait envie de rire. Mais il y avait longtemps que son cerveau n’envoyait plus ce genre de signal à ses lèvres. Sa bouche déformée par les goulots de bouteilles ou par la douleur de ses peurs ne savait même plus bouder ou même rester neutre. C’était tout son visage qui transcendait la douleur.

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Film de vie

Quand je réalisai que le mot FIN s’effaçait doucement de l’écran noir et que les lumières reprirent vie dans la salle maintenant complètement vide, je crus avoir rêvé. Pendant un bref instant, tous mes souvenirs, ceux de ma mémoire, même ceux que je ne croyais même pas me rappeler, des détails, des riens, des images au-delà des polaroids à moitié effacés qui s’empilent dans des boites à chaussures, des flashs de sourires et de larmes, tout cela me clouait sur mon siège.

Il n’y avait pas d’employé pour me dire de quitter. Même l’odeur du maïs soufflé imbibé de beurre artificiel s’étiola. Le froid de l’air climatisé fit place à une enveloppe tiède, presqu’agaçante sur ma peau rendue difforme par la chair de poule. Pas de musique. Même la lumière ne semblait pas sortir des spots qui cernaient la salle de ses hauts plafonds.

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